Dialectique son/image
La dimension sonore comme support premier
Tout d'abord l'intention artistique, au niveau formel, de « 39-45 : où vas-tu gitan ? », est de donner à « entendre ».
La polysémie de ce terme (ouïr et comprendre) est bien sur essentielle : on part ici du principe que l' »image » (ce que le spectateur perçoit visuellement) est « seconde » en cela que son sens est d'abord rattaché à la dimension sonore.
Ainsi nous préférerons parler d' «audio-spectateur », plutôt que de spectateur.
La justification de ce choix est, tout d'abord, étroitement liée au sujet même de l'œuvre et à sa vérité historique. En effet nous désirons que « 39-45 : où vas-tu gitan ? » soit à la fois « l'écho » du passé, sur le plan historique, et en même temps souligner l'importance du média « radiophonique » au cours de cette période. De fait l'information, dans les années 30-40 ne vient pas de la télévision, mais de la radio.
D'autre part, la dimension sonore nous a paru un vecteur privilégié pour l'imaginaire et la réflexion.
Nous mettons donc en relation, dans « 39-45 : où vas-tu gitan ? », 3 sources sonores :
1 : les montages sonores.
2 : la parole orale portée par les comédiens.
3 : la musique vivante exécutée sur scène par les musiciens.
Ces 3 sources sont combinées avec les sources visuelles :
1 : l'espace scénique lui-même (décors, comédiens, action ...etc)
2 : la mise en scène.
3 : la vidéo
4 : la mise en lumière
Notre effort créatif consiste à créer une dialectique entre ces 2 dimensions et entre ces différentes sources, tout en maintenant le primat du son, et ce de différentes façons :
Chronologiquement : Le commencement de « 39-45 : où vas-tu gitan ? » est sonore et dans le noir/lumière, point de départ paradoxal où l'invisible est en quelque sorte « montré » indiquant ainsi à l'audio-spectateur le code de compréhension qui oscillera entre les deux principales dimensions, son et image.
Logiquement : le sens même et le déroulement des actions pourra être initié ou/et conclut par un moyen sonore.
Historiquement : les montages sonores auront le statut d'un « personnage » à part entière : celui de l'Histoire, entrant en relation permanente avec l'histoire (celle des personnages incarnés par les comédiens). Ainsi il s'agit ici d'un véritable « acousmetre » pour reprendre le concept de Michel Chion, c'est-à-dire un être qui est «partout », précisément parce qu'il n'est ni visible ni localisable.
Statut, fonction, diffusion et composition des montages sonores :
Ils représentent l'Histoire de l'Europe des années 36-45, celle qui se déroule hors du lieu central de l'action : la scène, en l'occurrence un bar-hôtel parisien. Ils constituent donc un véritable hors-champ sonore qui élargit le lieu de l'action, et le porte jusqu'à des frontières invisibles, mais pas inimaginables. Est ainsi indiqué implicitement un code de compréhension qui déborde le visible et l'englobe.
Véritables « échos » du passé (symboliquement et littéralement), ils sont partiellement composés d'archives radiophoniques d'époque. Ces bribes de passé ont un pouvoir similaire à celle de la fameuse « madeleine » de Proust : le son caractéristique des radios ainsi que les voix et manières de parler de cette époque nous présentent celle-ci comme « en chair et en os », et cela de façon nous semble-t-il plus significative que par de simples procédés théâtraux traditionnels : décors et costumes.
Les archives radiophoniques font ici également l'objet d'une « mise en son » de type électro acoustique. (V. infra)
Les fonctions de ces montages sonores sont multiples :
1 – une fonction narrative : les informations données à entendre ont un rôle essentiel dans la narration, et influent directement sur le cours de l'action, les réactions des personnages et le sens du drame.
2 – une fonction pédagogique : celle de rappeler les principaux événements historiques présentés au cours des bulletins d'informations de l'époque et celle d'exhumer les grands responsables politiques, à travers leur voix, les intégrant en quelque sorte comme « personnages » temporaires de « 39-45 : où vas-tu gitan ? » . Parmi ceux-ci Léon Blum, Maurice Thorez, Philippe Pétain, Pierre Laval.
3 – une fonction descriptive : certains montages sonores sont de véritables scènes auditives.
4 – une fonction critique : les juxtapositions permettent de constituer des commentaires implicites, tragiques ou comiques.
5 – une fonction poétique : certains montages sont des fonds sonores destinés à « habiller » un texte et lui donner une couleur émotionnelle particulière.
Ces fonctions exigent un procédé de diffusion sonore adapté :
La diffusion sonore (voir schéma d'implantation scénique)
- système de diffusion sonore n°1 :
Un système quadriphonique enserre le public et diffuse les montages sonores aux moments opportuns.
- système de diffusion sonore n°2 :
Un système stéréo diffuse les voix et les instruments présents sur scène. Ce systèmes de diffusion permet aussi le traitement des voix.
Composition des montages sonores :
Ces montages sont
1. composés d'extraits radiophoniques originaux issus de discours, de chansons, de publicités des années 40. Le tout est « mis en son » et scénarisé afin d'être intimement lié à la narration.
2. des compositions bruitistes et concrètes dont le but est émotionnel, descriptif ou critique.
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La dimension sonore comme support premier
Tout d'abord l'intention artistique, au niveau formel, de « 39-45 : où vas-tu gitan ? », est de donner à « entendre ».
La polysémie de ce terme (ouïr et comprendre) est bien sur essentielle : on part ici du principe que l' »image » (ce que le spectateur perçoit visuellement) est « seconde » en cela que son sens est d'abord rattaché à la dimension sonore.
Ainsi nous préférerons parler d' «audio-spectateur », plutôt que de spectateur.
La justification de ce choix est, tout d'abord, étroitement liée au sujet même de l'œuvre et à sa vérité historique. En effet nous désirons que « 39-45 : où vas-tu gitan ? » soit à la fois « l'écho » du passé, sur le plan historique, et en même temps souligner l'importance du média « radiophonique » au cours de cette période. De fait l'information, dans les années 30-40 ne vient pas de la télévision, mais de la radio.
D'autre part, la dimension sonore nous a paru un vecteur privilégié pour l'imaginaire et la réflexion.
Nous mettons donc en relation, dans « 39-45 : où vas-tu gitan ? », 3 sources sonores :
1 : les montages sonores.
2 : la parole orale portée par les comédiens.
3 : la musique vivante exécutée sur scène par les musiciens.
Ces 3 sources sont combinées avec les sources visuelles :
1 : l'espace scénique lui-même (décors, comédiens, action ...etc)
2 : la mise en scène.
3 : la vidéo
4 : la mise en lumière
Notre effort créatif consiste à créer une dialectique entre ces 2 dimensions et entre ces différentes sources, tout en maintenant le primat du son, et ce de différentes façons :
Chronologiquement : Le commencement de « 39-45 : où vas-tu gitan ? » est sonore et dans le noir/lumière, point de départ paradoxal où l'invisible est en quelque sorte « montré » indiquant ainsi à l'audio-spectateur le code de compréhension qui oscillera entre les deux principales dimensions, son et image.
Logiquement : le sens même et le déroulement des actions pourra être initié ou/et conclut par un moyen sonore.
Historiquement : les montages sonores auront le statut d'un « personnage » à part entière : celui de l'Histoire, entrant en relation permanente avec l'histoire (celle des personnages incarnés par les comédiens). Ainsi il s'agit ici d'un véritable « acousmetre » pour reprendre le concept de Michel Chion, c'est-à-dire un être qui est «partout », précisément parce qu'il n'est ni visible ni localisable.
Statut, fonction, diffusion et composition des montages sonores :
Ils représentent l'Histoire de l'Europe des années 36-45, celle qui se déroule hors du lieu central de l'action : la scène, en l'occurrence un bar-hôtel parisien. Ils constituent donc un véritable hors-champ sonore qui élargit le lieu de l'action, et le porte jusqu'à des frontières invisibles, mais pas inimaginables. Est ainsi indiqué implicitement un code de compréhension qui déborde le visible et l'englobe.
Véritables « échos » du passé (symboliquement et littéralement), ils sont partiellement composés d'archives radiophoniques d'époque. Ces bribes de passé ont un pouvoir similaire à celle de la fameuse « madeleine » de Proust : le son caractéristique des radios ainsi que les voix et manières de parler de cette époque nous présentent celle-ci comme « en chair et en os », et cela de façon nous semble-t-il plus significative que par de simples procédés théâtraux traditionnels : décors et costumes.
Les archives radiophoniques font ici également l'objet d'une « mise en son » de type électro acoustique. (V. infra)
Les fonctions de ces montages sonores sont multiples :
1 – une fonction narrative : les informations données à entendre ont un rôle essentiel dans la narration, et influent directement sur le cours de l'action, les réactions des personnages et le sens du drame.
2 – une fonction pédagogique : celle de rappeler les principaux événements historiques présentés au cours des bulletins d'informations de l'époque et celle d'exhumer les grands responsables politiques, à travers leur voix, les intégrant en quelque sorte comme « personnages » temporaires de « 39-45 : où vas-tu gitan ? » . Parmi ceux-ci Léon Blum, Maurice Thorez, Philippe Pétain, Pierre Laval.
3 – une fonction descriptive : certains montages sonores sont de véritables scènes auditives.
4 – une fonction critique : les juxtapositions permettent de constituer des commentaires implicites, tragiques ou comiques.
5 – une fonction poétique : certains montages sont des fonds sonores destinés à « habiller » un texte et lui donner une couleur émotionnelle particulière.
Ces fonctions exigent un procédé de diffusion sonore adapté :
La diffusion sonore (voir schéma d'implantation scénique)
- système de diffusion sonore n°1 :
Un système quadriphonique enserre le public et diffuse les montages sonores aux moments opportuns.
- système de diffusion sonore n°2 :
Un système stéréo diffuse les voix et les instruments présents sur scène. Ce systèmes de diffusion permet aussi le traitement des voix.
Composition des montages sonores :
Ces montages sont
1. composés d'extraits radiophoniques originaux issus de discours, de chansons, de publicités des années 40. Le tout est « mis en son » et scénarisé afin d'être intimement lié à la narration.
2. des compositions bruitistes et concrètes dont le but est émotionnel, descriptif ou critique.
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L'espace scénique et la temporalité
(V. le plan de scène)
L'espace scénique est découpé en trois parties.
1. Au centre, le lieu principal de l'action : un bar-hôtel parisien. C'est là que l'histoire se déroule, et que les protagonistes sont mis en scène.
2. A « cour », un espace de « narration » qui permet au temps de se figer. Les personnages peuvent y faire des adresses directes au public dans des temporalités diverses.
3. A « jardin » se trouve un homme du 21ème siècle, devant son écran géant de télévision.
Fonction de ce découpage : la multi-temporalité
Michel Foucault disait que les hétéro-topies sont « les espaces absolument neutres. En général, l'hétérotopie a pour règle de juxtaposer en un lieu réel plusieurs espaces qui, normalement, seraient, devraient être incompatibles. Le théâtre, qui est une hétérotopie, fait succéder sur le rectangle de la scène toute une série de lieux étranges. »
L'espace scénique de « 39-45 : où vas-tu gitan ? » met en scène cette hétérotopie en jouant sur les différences de temporalité au sein du triple découpage.
L'espace de narration : (à cour)
L'histoire qui se déroule au centre du plateau, bien que se déroulant dans le « passé », peut cohabiter avec le présent de la salle de représentation, par l'intermédiaire de l'espace de narration. Présent qui est celui du lieu et du public. L'espace de narration permet aussi l'apparition d'un « futur antérieur », qui permet aux personnages, ou au comédien, de lire et dire l'avenir, en marge de l'action.
L'espace de l'homme du 21ème siècle : (à jardin)
C'est celui d'un de nos contemporains devant sa télévision.
Cet espace permet d'élargir le présent de la salle à celui de l'époque actuelle toute entière. Et cela de façon analogue aux montages sonores qui ont pour but d'élargir l'espace de la scène.
Conclusion :
Nous assistons donc à une transversalité paradoxale : dans « 39-45 : où vas-tu gitan ? » c'est le son qui, alors habituellement assimilé au temps, révèle plutôt l'espace (en tant que hors-champ sonore) . Inversement, c'est l'image découpée de la scène, d'ordinaire assimilée à l'espace, qui matérialise le temps de l'Histoire et des individus (en tant que multi-temporel).
Le triple découpage scénique permet donc de faire fusionner des temporalités et des spatialités différentes, et ce pour le même audio-spectateur. L'effet final étant de donner à voir et à entendre un étrange rapprochement entre le passé et le présent, entre l'histoire se déroulant au centre de la scène, l'Histoire et l'actualité, pour permettre de nouvelles « perspectives » sur notre époque.
L'audio-spectateur peut ainsi mettre en relation ces trois espaces que le scénario fait habilement interagir.
L'image : entre fiction et réalité.
Plusieurs types d'images cohabitent au sein du spectacle, induisant ainsi plusieurs « niveaux de représentation », qui oscillent entre la fiction et la réalité.
Trois types d'images sont données à voir :
1. l'action théâtrale, les scènes de l'action proprement dite.
2. les tableaux : images définies par les lumières qui découpent certaines actions en les isolant, en créant dans le même temps des noirs lumière partiels.
3. les images vidéo : projetées sur un écran placé sur scène.
Différents niveaux de représentation : le rôle des lumières
Les images de type 2 et 3 sont pour ainsi dire des « images dans l'image », et cette incrustation induit plusieurs niveaux de représentation. Par exemple : une découpe lumière peut surgir au cœur d'une scène d'action pour créer un tableau, produisant un effet de « suspension » poétique. Ainsi, et de la même manière que les montages sonores créaient un hors-champ spatial, les lumières permettent ici un hors-champ dramatique, ouvrant la voie à un symbolisme frappant et incitant à la réflexion.
La vidéo :
Alors que les deux premiers types d'images (scènes et découpes) appartiennent à la fiction, les images vidéo, en grande partie composées d'archives, projetées sur scène appartiennent à l'Histoire. Cette cohabitation rejaillit sur le statut de l'histoire des personnages elle-même : une telle histoire aurait pu se produire réellement, et il est même probable que des histoires « similaires » aient eu lieu pendant la période 1939-1945.
En mêlant images théâtrales et images d'archives, « 39-45 : où vas-tu gitan ? » rend perméable la limite entre fiction et réalité, rendant en quelque sorte les scènes théâtrales réelles.
Fiction et réalité :
Les images vidéo font partie intégrante de la narration et ne constituent pas de simples illustrations, inévitablement redondantes de l'action, mais plutôt un commentaire implicite ainsi qu'un rappel historique de ce qui fut réellement.
Cet « effet de réalité historique » permettra le passage à une réflexion sur la réalité « actuelle ».